Technique – Les enceintes de proximité

L’intérêt des enceintes de proximité, ou enceintes « de monitoring », est justement de pouvoir les positionner à proximité des oreilles, avec l’avantage de bénéficier d’une vraie image stéréophonique là où le casque ne permet que d’écouter deux voies séparées. Normalement donc, cela doit permettre de réaliser un mixage dans des conditions de neutralité idéales en se donnant toutes les chances pour que le résultat « passe bien » sur une majorité d’autres systèmes d’écoute. L’autre caractéristique d’une enceinte de proximité est que sa réponse en fréquence est supposée linéaire.

Marketing linéaire

Je dis bien « supposée » car tel est le voeu pieu de tout fabricant que leurs services marketing s’ingénient à nous faire prendre pour une réalité. Mais comme nous ne sommes pas dupes, sachant bien qu’une enceinte avec une réponse plate comme une limande est une vue de l’esprit, si le but avait déjà été atteint, pourquoi dès lors chercher à faire mieux que la concurrence, c’est à dire élaborer une réponse droite encore plus droite ?! Bref, je n’aurai pas ici la prétention de chercher à faire mieux que le sketch sur les lessives qui lavent plus blanc que blanc (se reporter à son illustre auteur), mais reconnaissons que s’il est un domaine où toutes les enceintes offrent, à défaut d’une réponse plate, un signal exempt de tout reproche, c’est sans conteste dans la diffusion du chant des sirènes !

Longueurs et célérité

En pratique donc, une enceinte sera toujours plus ou moins « colorée » de par sa conception, mais aussi de par son placement dans la pièce où on l’utilise et de notre plus ou moins grande proximité de la source acoustique. Car lorsqu’on écoute de la musique sur une chaîne hifi, on est la plupart du temps assez éloigné des enceintes et le son de celles-ci se mélange au son réverbéré sur le sol, le plafond et les murs. Brièvement et sans entrer dans les détails, le plus court chemin d’un point à un autre dans l’espace immédiat reste la ligne droite ce qui est aussi vrai pour une onde sonore.

L’illustration par l’exemple

Vous avez sans doute déjà remarqué les particularités d’un son diffusé dans une église, une salle de sport ou un stade ? Le son direct y est fortement mélangé au son réverbéré. Bien entendu, ce phénomène est difficilement audible dans une pièce aux dimensions réduites, quoique lors d’un déménagement, il est aisé de remarquer des différences entre une pièce meublée ou vide…

L’explication par la prise de tête (sauter ce paragraphe si le coeur n’y est pas)

Le son se déplace dans l’air ambiant à la vitesse moyenne d’environ 330 mètres par seconde. Même si l’on se trouve à trois mètres des enceintes c’est déjà largement suffisant pour profiter d’une mixture hasardeuse de sons directs et réverbérés par les six parois de la pièce avec une distribution aléatoire de fréquences en phase, donc dominantes, et hors phase, donc amoindries voire annulées. Plus on monte le son, plus la réverbération est importante, plus le signal est altéré : dans le genre « haute fidélité », on a vu mieux !

L’intérêt de l’écoute de proximité

En positionnant les enceintes à proximité, on place nos oreilles dans l’axe du signal émis par les haut-parleurs et, si on ne pousse pas trop le son, on entend essentiellement le signal direct plutôt que les réverbérations de la pièce ou du bureau/console sur lequel on travaille. On prendra garde néanmoins à soigner le positionnement des deux enceintes pour ne pas altérer leur rendu des basses et/ou de la stéréophonie.

L’utopie acoustique

Idéalement, les enceintes de monitoring devraient être placées au centre de la pièce afin de s’éloigner des parois réfléchissantes pour privilégier le son direct. Le hic, c’est que nous sommes pour la plupart tous (mal) logés à la même enseigne et la place est comptée dans un home-studio (si tant est qu’on puisse jouir d’un espace dédié, ce qui représente déjà un avantage indéniable). Il va donc falloir s’accommoder des contraintes habituelles en essayant de préserver au maximum la neutralité de la pièce, au moins à bas volume, autre contrainte critique qui nous est imposée cette fois par la proximité du voisinage ou des proches. Eh oui, l’horaire d’un mixage agit sur le rendu linéaire d’une enceinte ! La fatigue auditive aussi : un mix peut très bien sembler parfait après trois heures d’écoute et sonner épouvantablement mal plusieurs jours plus tard avec des oreilles neuves… Mais revenons au positionnement des enceintes puisque pour une majorité d’entre nous, il n’y aura pas d’autre choix que d’installer les enceintes le long d’un mur, ou pire, dans un angle…

De l’influence des parois sur la diffusion d’un signal

Toute masse importante subissant une onde acoustique de puissance significative va automatiquement réfléchir une grande partie du signal (la fameuse réverbération), en transmettre une autre (chez les voisins !) et en absorber une dernière, infime cette fois, qui va se transformer en chaleur à cause des frottements. Si le signal réverbéré est assez puissant, il va continuer à rebondir sur toutes les parois de la pièce jusqu’à perdre totalement son énergie en tombant sous le seuil théorique de moins 60 dB. Positionner une enceinte près d’un mur revient donc à mélanger aussitôt le signal direct avec les signaux réverbérés par ce mur.

De l’influence du mur du fond sur les basses

Je lis souvent ou j’entends dire souvent que les « basses ne sont pas directives ». Cette affirmation n’est pas rigoureuse car pourquoi dans ce cas certaines enceintes sont plus directives que d’autres sur des plages de fréquences identiques ? Tout simplement parce que cela dépend de la taille de la membrane du haut-parleur en charge de la partie basse du signal. Pour faire simple, tout signal dont la longueur d’onde est inférieure au diamètre du haut parleur sera très directif. Il serait donc plus rigoureux de dire qu’une enceinte cesse d’être directive en dessous de la fréquence dont la longueur d’onde est supérieure au diamètre du haut-parleur de basse. C’est cette partie du signal qui risque de poser pas mal de problèmes si vous positionnez vos enceintes tout contre un mur car toute la partie basse non directive va se réverbérer sur celui-ci et se mélanger, dans un joyeux « bordel » de mises en ou hors phase, au signal direct. Pas bon du tout ! Je vous laisse imaginez le désastre quand l’enceinte est positionnée dans un angle…

De l’influence des murs latéraux sur la stéréophonie

En ce qui concerne la partie directive du signal, ce sont les parois à proximité de la face avant de l’enceinte qui vont cette fois apporter leur part de chaos acoustique. Si l’une des deux enceintes, contrairement à l’autre, est placée le long d’un mur ou dans un angle, on va se retrouver avec une image stéréophonique complètement faussée car, sur le côté concerné, certaines fréquences sembleront très présentes alors que d’autres disparaîtront purement et simplement ! L’effet « mur du fond » constaté sur les basses jouera aussi sur la linéarité du signal émis vers l’avant : tous les ingrédients sont réunis pour réaliser un mixage bancal. Le réflexe qui consistera à vouloir compenser la partie du signal altérée va entraîner un surplus de réverbération, donc d’annulation ou amplification de fréquences, bref, c’est le marasme !

Conclusion

C’est donc seulement après avoir pris un soin maniaque à positionner ses enceintes qu’on pourra enfin apprécier (ou non !) leur pseudo-linéarité. Si la place vous manque et que vous n’avez pas d’autre choix que de positionner vos enceintes contre un mur ou dans un angle, il faut privilégier l’achat de modèles qui comportent un filtre prévu pour atténuer la partie basse non directive du signal. Il est aussi conseillé de traiter les murs latéraux (plafond compris) afin de limiter leur réverbération sans pour autant l’empêcher totalement (le but n’est pas de construire une chambre anéchoïque !). Par ailleurs, mixer à un volume raisonnable limitera l’influence de la pièce, la fatigue auditive et l’évaporation de la patience des voisins. Et pour vérifier que notre mixage est prêt à se jouer des systèmes d’écoute les plus médiocres (et par là même les plus répandus), il ne faut surtout pas hésiter à l’écouter sur, au choix, un vieux magnétophone à cassettes, un micro-ordinateur portable, un autoradio d’entrée de gamme, un casque à 10 euros, en mono et stéréo. Hors ça point de salut !

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