Plugins d’ampli pour guitare – Partie 1 : critères d’évaluation

Vaste sujet que celui des plugins d’ampli guitare ! Passionnel aussi car les goûts, le vécu et l’expérience de chacun font qu’il est difficile de s’y retrouver, d’autant que chaque éditeur ou fabricant prétendra que ses modélisations sont les meilleures. Mais ça veut dire quoi « meilleures » dans un domaine aussi subjectif où l’offre est désormais pléthorique ? Je ne prétends pas ici être exhaustif mais je vais tenter de faire un tour d’horizon sur le sujet en ce début d’année 2025, en plusieurs parties car un seul article ne suffira pas ! Je vous propose de commencer par ce qui distingue selon moi les différents types de modélisation en proposant plusieurs éléments les caractérisant, ainsi qu’une échelle d’évaluation qui devrait permettre de s’y retrouver…

Je pense avoir délaissé l’enregistrement de « vrais » amplis vers la fin des années 90 pour tout un tas de raisons pratiques : l’encombrement de l’installation, la difficulté à retrouver exactement les mêmes réglages d’une session à l’autre, le temps passé à essayer des tas de combinaisons pour trouver « le son », le coût et la complexité de toute la chaîne d’enregistrement, le volume sonore nécessaire… Quasiment que des inconvénients en fait pour au final aboutir à un son affiné très produit qui n’a que peu de similitudes avec la réalité ! Le premier outil virtuel que j’ai utilisé n’était pas un plugin mais un Zoom 9000, remplacé ensuite par un Boss GX-700 et enfin un Roland VG-88. Ce dernier, modélisant aussi les amplis, permettait de se brancher directement dans la sono sans avoir à se trimballer autre chose qu’un pédalier et une guitare, idem en enregistrement. Le système de mémorisation des patchs offrait aussi ce luxe de retrouver un son déjà paramétré instantanément.

Errance infinie

Avec toutes les possibilités offertes par le VG-88, j’ai pris un jour conscience que j’en étais arrivé à passer plus de temps dans le tripatouillage des sons qu’à faire de la musique. C’est aussi à ce moment-là que j’ai dû commencer à développer une certaine technophobie, ce qui entraînait des crises « d’allergies » dès que je me retrouvais pris au piège dans l’ergonomie discutable d’un nouveau produit censé pourtant me porter au Nirvana sonore sans trop de tâtonnements.

J’ai revendu (très facilement) le VG-88, non qu’il fut « mauvais » mais il ne me convenait plus, pour retourner « aux sources » à savoir quelques pédales d’effet, une bonne lutherie, des bons micros et un « vrai » ampli pour la scène, tout en commençant à m’intéresser en parallèle aux plugins pour l’enregistrement. Je n’étais tout de même pas encore devenu totalement réactionnaire !

Dynamique de jeu

Qu’est-ce que j’entends par « vrai » ampli ? Pour mieux comprendre de quoi il retourne, j’aime souvent faire l’analogie avec les guitares acoustiques entre les modèles en bois massif et ceux en bois laminé : la dynamique de jeu est totalement différente entre ces deux types de lutherie. Là où un modèle en bois laminé offre une amplitude de jeu très limitée, un modèle en bois massif va permettre de développer au fil du temps un jeu très expressif, à la fois dynamique et nuancé.

C’est exactement la même chose pour les amplis et dans ce domaine je n’ai encore rien connu de mieux que les modèles à lampes. Certes leur rendement est mauvais mais ils permettent une amplitude de jeu que je n’ai pas retrouvée ailleurs. Sans même parler de leur capacité à encaisser la plupart des pédales d’effet : il suffit de brancher une  pédale de fuzz dans un ampli à transistor pour comprendre rapidement qu’il y a comme un problème !

Encore une fois je ne dis pas que les amplis à transistor sont « mauvais » mais qu’ils ne me conviennent tout simplement pas. Et je n’ai pas non plus perdu de temps à chercher ailleurs ce que j’avais déjà sous la main et qui me convenait parfaitement !

Psychoacoustique et… manipulation

Comment dès lors retrouver les sensations de jeu familières apportées par un ampli physique, qu’il soit à lampe ou à transistor, à l’aide d’une simulation informatique ? Car cette problématique s’étend bien au delà de la seule reproduction du son d’un ampli : il faut aussi parvenir à donner l’impression au guitariste que la réponse dynamique ressentie correspond à une « certaine » réalité même si le volume sonore n’est absolument pas le même qu’en jouant sur scène ou en répétition.

A cela s’ajoute la perception auditive qu’on a d’un ampli, très différente selon le lieu dans lequel on joue et la façon dont on se positionne par rapport à la baffle. Trop dans les oreilles et le son sera criard, inversement il semblera plus sombre si on se décale plus ou moins… Garder en tête comment se comporte physiquement un ampli permet d’avoir un point de référence pour ensuite évaluer la capacité d’un plugin à restituer une « certaine » réalité. Et mieux pouvoir s’en éloigner tout aussi délibérément si c’est le but recherché.

Donc de mon point de vue, j’ai tendance à distinguer deux rendus bien différents dans ces simulations :

  1. celui d’un ampli disposé près de soi avec une réactivité, des sensations de volume et de puissance caractéristiques (que je qualifierai de « rendu de proximité »),
  2. celui d’un son traité et lissé à des fins de production, permettant tous les délires comme celui de donner l’impression de jouer dans un stade (que je qualifierai de « rendu de production »).

Certes, qui peut le plus peut le moins mais c’est loin d’être toujours le cas : le premier rendu est beaucoup plus subtil à produire que le second !

D’autre part, le fait de manipuler non plus des potards mais une interface à la souris (à la trackball en ce qui me concerne !) peut rapidement devenir pénible. L’ergonomie d’un plugin peut s’avérer catastrophique à l’usage sans une bonne implémentation du MIDI qui reste pour moi un point primordial afin de pouvoir facilement contrôler l’interface par de vrais potards, des footswitchs ou une pédale d’expression. Je pense notamment à la wah-wah, au swell, au volume et bien d’autres car plus rien n’empêche justement d’être créatif dans un espace totalement virtuel !

Aujourd’hui encore, de mon point de vue, bien peu de développeurs sont parvenus à savoir allier fidélité sonore, dynamique de jeu et ergonomie. Mais avant de passer à la suite, je vous propose de définir un système d’évaluation des plugins le plus simple et exhaustif possible.

Système scolaire

Je retiendrai donc les quelques critères suivants pour évaluer les différentes modélisations au format « plugin » en utilisant une échelle de 0 à 3 (0 étant médiocre, 1 moyen, 2 bon et 3 excellent) :

  • la transparence du contrôle de licence
  • la sensibilité aux nuances de jeu
  • la réactivité aux micros utilisés
  • l’ergonomie de l’interface
  • l’implémentation MIDI
  • les paramètres modifiables
  • la gestion des presets
  • la qualité sonore
  • l’adaptabilité

Ce dernier critère que j’ai baptisé « adaptabilité » mérite quelques explications. Il s’agit d’évaluer ici à la fois la possibilité de pouvoir désactiver facilement une ou plusieurs sections au sein du plugin (pédales d’effet, baffles, micros de prise de son, simulation de la réverbération du lieu de prise de son…). Ensuite ces mêmes sections doivent pouvoir se fondre facilement avec d’autres plugins pas forcément du même éditeur, en dosant facilement de manière automatique ou paramétrable les gains en entrée / sortie afin d’équilibrer toute la chaîne de traitement.

Je ne souhaitais pas ajouter d’évaluation du prix car c’est très subjectif et variable si on veut tenir compte des périodes de soldes. Un produit « pas cher » restera toujours « trop cher » s’il est inutilisable, inversement un produit « cher » qui donne satisfaction vaut tout simplement le prix qu’on a accepté de payer ! D’autre part, les multiples façons de vendre et gérer les licences, variables d’un éditeur à l’autre, peuvent conduire à des aberrations si on ne prend pas garde à ce qu’on achète. Ici l’échelle de valeurs sera aussi de 0 à 3 mais cela porte sur la politique de prix des licences plus ou moins claire selon les éditeurs, là où j’aurais même pu tout à fait parler « d’honnêteté » concernant certaines pratiques commerciales…

Ce qui permet d’arriver à une note globale sur 30, si ça n’est pas merveilleux tout ça !

Philosophie de la modélisation d’ampli

Non il n’y pas de contrepèterie dans le titre de ce paragraphe ! J’aimerais conclure cette première partie sur la qualité sonore et la philosophie des plugins.

Trois catégories de produits se dessinent clairement : il y a ceux avec une approche « puriste collectionneur » (où certaines applis ressemblent à des magasins de musique type « Guitar Center » !), ceux dont la philosophie est « less is more » (interface simple et épurée) et enfin ceux qui sont orientés création pure. Certains parviennent même à se distinguer dans les trois catégories sans pour autant devenir des usines à gaz ! L’approche « puriste collectionneur » étant celle que j’apprécie le moins pour plusieurs raisons :

  • des presets disséminés ici ou là  qui ne sont pas utilisables en l’état et nécessitent l’achat d’éléments complémentaires, souvent vendus au prix fort car « endorsés » par un artiste (l’appli lance alors le navigateur sans même demander un consentement au beau milieu d’une session de travail),
  • un soin maniaque apporté aux modélisations souvent « too much » qui va jusqu’à rendre leur utilisation aussi pénible qu’une prise de son réelle (ne jamais oublier qu’à la base la virtualisation doit simplifier la prise de son sinon autant enregistrer avec un vrai ampli !),
  • des rendus prétendument analogues aux véritables amplis qu’il  faudra de toute façon triturer dans tous les sens pour parvenir à les faire rentrer dans un mix,
  • une politique de prix piégeuse, permettant certes de n’acquérir que ce qu’on utilise, mais au prix fort !

J’ajouterai à l’évaluation par critères d’éventuelles remarques sur certains points particuliers qui distinguent en bien ou en mal les différents produits passés en revue. Rendez-vous donc dans un prochain article pour dévoiler ces différentes évaluations de plugins d’ampli pour guitare…

– wan –

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